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La relation Uke / Tori

(cet article reprend l’article précédent"Aïkido et non-violence" en se focalisant sur la relation Uke / Tori...)

On parle souvent de l’Aïkido en disant ce qu’il n’est pas, en le comparant à d’autres arts martiaux ou à des sports de combat.

On ne sait pas toujours présenter notre discipline dans ce qu’elle a de particulier.

La relation Uke/Tori est une des caractéristiques, des particularités de l’Aïkido. A ce titre elle mérite d’être explicitée.


Bien sûr, cette relation se vit ; elle peut difficilement être présentée de façon exhaustive sur le papier. Pour autant cette fiche à pour propos de donner aux enseignants ou futurs enseignants quelques éléments qui leur permettront :

  • de mieux orienter leurs consignes pour cadrer cette relation sur le tapis ;

  • d’avoir quelques pistes pour organiser la pratique autour de ce thème.

La relation Uke/Tori se fonde sur 3 postulats de base :

  • 1er postulat : Les principes d’aïkido s’appliquent et se développent dans le travail d’ Uke. Uke « fait aussi de l’Aïkido ». Les compétences que le pratiquant développe dans son travail de Uke sont transférables et lui permettent de progresser en tant que Tori. Dans le travail d’ Uke on retrouve des principes tels que la construction, l’unité du corps, plus largement l’intégrité, le ma aï etc... La pratique de l’Aïkido ne réside pas uniquement dans le fait de savoir faire les techniques, mais plutôt de « vivre » les techniques. Connaître une technique c’est la vivre en tant que Tori et en tant qu’ Uke. Expérimenter Ikkyo, par exemple, c’est à la fois exécuter la technique en appliquant les principes mais c’est aussi ressentir en tant qu’ Uke l’application de ces principes.

  • 2ème postulat : Dans la pratique les rôles s’inversent, se confondent parfois. Exemple : par un atémi au visage Tori sollicite Uke. Celui-ci répond par une saisie en katate ryote dori ou par une saisie arrière. Dans cette situation, qui est Uke qui est Tori ? Quand Tori sollicite au visage, il attaque et pour Uke katate ryote dori devient une technique. Cette façon d’aborder la relation Uke/Tori redonne du sens aux attaques et en particulier aux saisies. Bien évidemment les rôles s’inversent dans les Kaeshi waza. Uke peut exploiter les ouvertures ou les failles d’une technique et prendre l’ascendant sur Tori.

  • 3ème postulat : La relation Uke/Tori s’inscrit dans une dimension de « coopération ». Parler de coopération dans le cadre d’un art martial peut paraître surprenant. Pour autant la coopération dans la pratique de l’Aïkido ne signifie pas « complaisance », bien au contraire la coopération dont on parle s’appuie sur l’exigence et le respect. Il s’agit par l’échange de progresser mutuellement. La question pour Uke et Tori est de savoir où mettre la barre pour faire progresser l’autre sans le blesser. La pratique permet de développer une stratégie « gagnant/gagnant ». Personne ne perd, surtout pas Uke qui par la maîtrise de son comportement et des ukemis, chute et se relève pour attaquer à nouveau. Uke et Tori ne sont pas face à face dans un affrontement, mais plutôt côte à côte confrontés à une situation qu’il faut gérer ensemble et dont il faut sortir grandis et bonifiés.

La relation Uke/Tori met en évidence un certain nombre de principes structurants de l’Aïkido. Sur le plan mental (Shin), on peut en évoquer au moins trois :

  1. Le respect de l’intégrité : ce principe transparaît dans les postulats évoqués précédemment, en particulier dans le 3ème, la « coopération ». La pratique se fonde sur un respect mutuel et doit permettre de « préserver et de renforcer l’intégrité au sens large (physique et mentale) des protagonistes ».

  2. L’adaptabilité : principe qui se caractérise par l’écoute et la prise en compte de l’autre ; c’est sans doute la condition du respect de l’intégrité mais aussi la condition de l’authenticité dans la relation. Tori doit adapter son comportement (choix de la technique et/ou façon de l’exécuter) à Uke (son attaque, son niveau, ses capacités). En retour Uke, doit être le « miroir » du comportement de Tori. C’est le sens de la pratique de base qu’on appelle « Ippan geiko ». Il faut que les comportements de Uke soient juste la conséquence de la pratique de Tori, sans anticipations, sans gestes parasites...

  3. La non-opposition/la non-violence : là aussi, parler de non violence pour un art martial peut paraître surprenant à certains. Pourtant l’Aïkido prône la « clémence » et plus la « persuasion » que la « dissuasion ». Quoi qu’il en soit la non violence ne se fonde pas sur la faiblesse. C’est parce que l’on peut être définitif à un moment ou un autre de la technique que l’on choisit de ne pas l’être et par exemple d’amener au sol en immobilisant ou de donner à Uke la possibilité de chuter.

Ces principes qui relèvent du mental se manifestent dans la relation Uke/Tori à travers l’application de principes techniques. On peut aussi en évoquer au moins trois :

  1. La notion de « Ki musubi » (le nœud des énergies) : être en phase avec le partenaire. La non-opposition en dépend. C’est le choix du mode de rencontre (de aï) qui permettra d’être en phase avec le partenaire : aller dans la distance du partenaire sans la subir (pression) ou amener Uke dans sa propre distance (extension).

  2. La fluidité : principe plus large, conséquence de l’application d’autres principes (centrage/unité du corps, Ki musubi, irimi/direction/prise d’angle...). Cette fluidité se caractérise principalement par un contrôle permanent de part et d’autre (Uke /Tori) pour préserver l’intégrité et donner du sens à la pratique : - contrôle qui s’exerce dans la mobilité (Ki nagare), conduire le partenaire sur une saisie ou un contact ; - contrôle qui s’exerce plus simplement (par exemple) dans le fait de sortir d’une saisie pour la remplacer par un contact en évitant les ruptures.

  3. Action/réaction : principe technique qui s’appuie sur la prise en compte de l’autre, l’écoute et l’adaptabilité et qui s’exprimera : - pour Tori dans le Henka waza (variations et enchaînements) - pour Uke dans le Kaeshi waza (retourner la situation, Uke devient Tori)

Cette façon d’appréhender la relation Uke/Tori n’est qu’une vision parmi d’autres, on aurait pu dire sans doute bien d’autres choses ou le dire autrement.


En résumé, la relation Uke/Tori :

  • 3 postulats

  • principes sur le plan mental

  • 3 principes sur le plan technique


Bernard PALMIER

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