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L'Aïkido: art martial de la rencontre et du mouvement

Article rédigé pour mon ami Sébastien LAYRAL, aïkidoka et artiste peintre...Ce texte figure en préface de l’admirable livre de Sébastien intitulé "JE SUIS AVEC..." dans lequel il nous décrit et il nous montre, par de très belles photos, sa rencontre avec Madagascar... "...pêcheurs, paysans, habitants de la brousse, sculpteurs,...mendiants, gens modestes (...) devant l’ampleur de la misère...moments de découragement (...) mais compensés par des grands moments d’intense émotion et de joie..."

Traduction de l’article en anglais par Anne VERHEYDEN.


"...Intensité d'une présence...Face à face du peintre et de son modéle, face à face actif...Le modèle est invité à prendre part au travail...Interroger la relation qui s'établit entre le peintre et son modéle...La relation, la rencontre, l'échange...donnent du sens...sens que la pure virtuosité technique n'aurait pu atteindre seul...Former ainsi un tout, juste maintenant.."

Extrait d'un texte de Jean-Pierre Chambon "Pleines figures" dans "Espace Vallès - 18 septembre / 18 octobre 2014" exposition de Sébastien Layral

En Aïkido la rencontre donne naissance au mouvement.


De ce fait le mouvement est une "création collective".

La justesse et la pertinence du mouvement sont à la hauteur de l'authenticité de l'échange. Notre pratique n'est autre que cette quête d'authenticité.

Faire ce qu'il y a à faire de part et d'autre, rien que cela...

Être à l'écoute de l'autre, être avec l'autre dans son rythme et son intention.

S'oublier soi-même pour être le plus présent possible.

Ne pas décider mais participer avec détermination.

Ne pas vouloir être le plus rapide, essayer simplement de s'harmoniser aux gestes de l'autre. S'engager pleinement dans la rencontre.

Ne pas subir la situation mais l'accepter, se laisser conduire pour rester acteur, capable à tout moment d'alimenter l'échange.

Rester présent et offensif, être parfaitement placé pour ne pas être blessé, être potentiellement capable de retourner la situation.

Ne pas anticiper, ne pas avoir un geste ou un comportement qui ne soit pas la conséquence de ce que fait l'autre.

Epurer sa gestuelle, supprimer le superflu, rester dans la sobriété, celle du mouvement juste vers lequel on tend.

Les actions de part et d'autre peuvent s'annuler.

L'un ou l'autre peut prendre l'ascendant sans s'opposer mais "en étant avec son partenaire". Dans cette acceptation la situation peut se retourner et les rôles s'inverser.

Chacun devient le miroir de l'autre.

Le mouvement qui se dégage de l'échange doit être considéré comme unique et non-abouti.

Unique parce que ce mouvement est différent des précédents et que plus jamais cela ne pourra se passer de la même façon.

Non-abouti parce que nous n'aurons jamais fini avec cette quête d'absolu qui caractérise notre art.

Ces rencontres que l'Aïkido nous donne à vivre peuvent être décevantes. Mais c'est le prix à payer.

La création se nourrit de l'expérience, des hésitations, des erreurs. Notre pratique n'est jamais en pleine lumière; elle se déroule souvent dans l'ombre. Mais c'est de l'ombre que jaillit la lumière. C'est l'ombre qui donne du sens à ces moments magiques que l'on peut partager dans un Dojo.

Ils ne sont pas réservés seulement aux plus expérimentés. La virtuosité ou l'expertise technique n'est pas indispensable et de toute façon n'est pas la seule condition pour vivre l'intensité d'une rencontre. Quel que soit le niveau technique, c'est la présence sincère, authentique et réciproque des acteurs qui développera dans la rencontre les sentiments de partage, de liberté et de création. La technique n'est finalement qu'un prétexte à la rencontre. Par la pratique réguliére, la technique va se préciser mais ce n'est que la conséquence des échanges. Le but n'est pas la maîtrise technique.

En fait il n'y a pas d'autre but que de pratiquer et d'être dans ces rencontres le plus présent possible. Cette perspective est ouverte à tous les pratiquants. Chacun pourra, à son niveau, à travers cette relation martiale donner du sens à sa pratique...

Extraits d'un texte de Jean Pierre Chambon "Pleines figures" dans "Espace Vallès

18 septembre / 18 octobre 2014" exposition de Sébastien LAYRAL


Le sculpteur se confronte à la matière, à la nature spécifique d'une bille de bois, d'un bloc de pierre ou d'un morceau de métal.


A partir de cette rencontre il sculpte une forme, il donne forme, il créé. C'est une rencontre, c'est un échange, l'artiste n'est pas seul, son travail est une interaction entre la matière et lui-même. Le résultat n'est pas juste le produit de sa technique et de son inspiration, c'est aussi la prise en compte des spécificités de la matière sculptée.

Il s'agit de faire "avec", d'utiliser les contraintes de ce bloc sans forme et de faire en sorte que ces contraintes deviennent des opportunités...

Il y a avec la pratique de l'Aïkido bien des points communs

La matière à sculpter c'est l'énergie du partenaire, le produit de sa détermination et de son engagement dans l'échange, de la sincérité de son attaque, des caractéristiques de son "être" dans l'instant présent, "ici et maintenant".

Au final l'échange prendra la forme de la technique réalisée.

Il aura fallu pour ce faire être à l'écoute de son partenaire, être avec lui pour canaliser, guider son énergie et lui donner la forme souhaitée, celle que doit prendre la technique. Le mouvement réalisé ne sera pas la création de celui qui est censé faire la technique mais plutôt le produit de la rencontre et de l'échange...

L'Aïkido est démonstratif dans le sens où il peut être spectaculaire.


Vu de l'extérieur, il y a dans l'exécution des techniques une forme d'esthétisme et de théâtralisation qui font dire au néophyte que c'est "beau".

Nous ne nierons pas cela et en général la beauté d'un mouvement est le fruit d'une pratique harmonieuse entre deux partenaires. Mais ce qui nous parait plus intéressant c'est la perception de l'intérieur, ce que ressentent les pratiquants eux-mêmes, non pas ce qui est "donné à voir" mais ce qui est "donné à vivre". De l'extérieur on peut s'arrêter à la forme, à l'apparence, au contenant. On aura plus de mal à percevoir ce que contient réellement cette forme.

La "coquille" peut être vide et on peut s'attacher uniquement au visuel. Dans la mesure où l'Aïkido est une pratique, la dimension artistique n'est pas tant dans la perception d' un "produit fini" que dans les sensations "en devenir" ressenties par les partenaires.

Le mouvement est finalement la forme que prend la rencontre avec son niveau plus ou moins élevé de présence, d'intensité et d'authenticité réciproques.

L'Aïkido est un art pour l'aspect initiatique de sa pratique, dans ce qui est donné à vivre, à ressentir et à partager.

Bernard PALMIER Shihan Professeur d'Aïkido 7ème dan de l'Aïkikaï de Tokyo



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